De l'expectative

Nous n’attrapons pas les mouches avec du vinaigre, ou alors accidentellement. Cela est un point acquis.

Voyons maintenant et sans plus attendre si nous pouvons attirer l’homo erectus avec ce même produit, tel est l’enjeu que se fixe le professeur Badkopf.

Plaçons un récipient empli dudit vinaigre à l’orée d’un bois et préparons-nous à bivouaquer derrière un bosquet. Nous aurons pris soin de planter la tente bout au vent, de manière à ne pas attirer un quelconque quidam par notre propre odeur.

L’attente sera peut-être longue, nous y sommes préparé, et en conséquence nous avons prévu quelques provisions de bouche : Des gâteaux secs pour le café, des boites de cassoulet du pays d’Oc que nous ferons réchauffer sur un petit réchaud à pastilles Méta, sans oublier l’indispensable saucisson sec et le Laguiole.

Le soir tombe très vite. Sur un trépied j’installe de puissantes jumelles braquées sur le bol de vinaigre. Je me glisse dans mon duvet après avoir noté dans mon journal de bord :

• Jour 1. Installation terminée. Vent force 1 à 2. Ciel clair. Parfaite condition pour observation.
• Jour2. Le lendemain, après une bonne nuit où j’ai observé les étoiles au travers de la mince toile de tente, je décide de marquer mon territoire en allant pisser à 20m tout autour du bivouac. (J’avais pour cela absorbé 2 litres de café). L’appareil photo en bandoulière, je vais rejoindre le poste d’observation.
• 25èm jour. Nulle trace d’hominidé aux alentours. Qu’importe, patience et longueur de temps font mieux que force et que rage. (Un proverbe qui me sied assez bien, n’étant ni très fort ni très nerveux). Il reste donc à attendre et à noter sur le journal tout événement significatif.
• 47èm jour. Toujours rien. Ai disposé de grande feuilles de fougère arborescentes sur la tente en guise de toiture car je prends l’eau le soir ainsi que la rosée du matin.
• 62èm jour. Personne en vue. Je commence à me rationner, l’attente sera plus longue que prévue. Pour prouver un fait, quel qu’il soit, de manière scientifique, il faut ne pas intervenir, en aucune façon, juste peser, mesurer, observer, analyser de manière à arriver à une conclusion logique et irréfutable où le hasard et l’aléatoire n’ont pas leur place.
• 96èm jour. Plus de cassoulet. Ai confectionné une canne à pêche avec une tige de bambou, une ficelle et, vestige de la civilisation que j’ai laissé loin derrière moi, une épingle à nourrice.
• 104èm jour. Rien, sinon le calme et le silence de la forêt primaire. De la mousse commence à pousser sur la tente, coté Ouest. Ai peu de succès avec la pêche. Me nourri essentiellement de criquets pèlerins. Il y en a beaucoup par ici car ils se rendent à St Jacques de Compostelle.
• 112èm jour. Je crois que je commence à délirer. Faire un collet...câble de vélo. Urgent.
• 123èm jour. Le moral remonte. Aujourd’hui j’ai mangé un demi-garenne cuit au feu de bois... Un régal. J’ai enveloppé l’autre moitié dans une couverture de survie et l’ai enterré, tel le prudent écureuil, de façon à le finir demain.
• 144èm jour. Dans 6 jours, j’arrête l’observation. Cela fera 5 mois et l’on pourra raisonnablement déduire que le vinaigre ne revêt pas un caractère d’attirance, si tenté qu’il revête quelque chose.
• 150èm jour. Personne n’est apparu auprès du bol. Fin de l’observation.

Ainsi, cette haute expérience poussée jusqu’aux limites de la tolérance a montré que, curieusement, le vinaigre n’attirait absolument pas les humains, (voire les repoussaient), alors qu’il s’agit d’un ingrédient courant dans l’assaisonnement de leur nourriture.

Dans la vie courante, on a constaté qu’un sac plein d’argent faisait bien mieux l’affaire, ou encore un humain du sexe opposé.

Pr.Badkopf alias Pascal Coquet

juillet 2005