
Il arrive parfois que le réel se mêle de ce qui ne le regarde pas, je veux dire qu'il se mêle étrangement à la fiction (et réciproquement), on peut dire alors qu'il y a concordance. Cela se produit notamment lorsque nous subissons une soudaine accélération temporelle engendrée le plus souvent par de vains et cupides conflits planétaires.
Conflits
Poussés par un meneur, galvanisés par l'orgueil et la soif de vaincre, nous nous agitons comme des fourmis afin de combattre nos ennemis, en toute légitimité nous en sommes persuadés.
Tous les adversaires font preuve d'une redoutable imagination; les savants, travaillant alors pour la défense, ne cessent d'inventer des machines les plus cauchemardesques les unes que les autres.
Les catapultes, les baïonnettes, les fusils, les canons, les V1, la bombe H...
Tout cela commença probablement bien avant l'apparition de la poudre, peut-être lorsqu'un grand singe se croyant plus malin que les autres se mit à utiliser un os de mammouth pour fracasser le crâne de son voisin...
Toujours est-il que le champ de bataille n'est plus qu'un immense tertre morne et désolé, rougi par la rage, le fiel et le sang du fier et pourtant résigné combattant. Car nous sommes tous des moutons de Panurge. L'édifiante histoire de ce berger remonte à la nuit des temps, dans la Grèce antique.
Un homme voulant se venger de Panurge lui acheta une seule brebis. Il prit son temps, observa le comportement des bêtes et finalement il choisit le meneur du troupeau. Il emmena ce mouton sur sa barque et le précipita à l'eau. Voyant cela, toutes les brebis firent de même, toutes furent noyées. Panurge le berger fut ruiné. De la même manière, un jour un chef viendra et tout le monde le suivra, pour notre perte à tous.
Sur notre tertre rouge, les combattants ne savent même pas pourquoi ils ont suivi les ordres d'un meneur.
Résignés, las, usés, fatigués, chargés de plomb et d'incompréhension, ils se laissent faucher comme le blé mûr...
Extrait de la chanson de Craonne :
- C'est bien fini, et pour toujours,
- De cette guerre infâme.
- C'est à Craonne, sur le plateau,
- Qu'on doit laisser sa peau
- Car nous sommes tous condamnés
- Nous sommes les sacrifiés !
Leur sacrifice restera ancré dans nos mémoires durant quelques générations puis s'estompera lentement. Certains iront même jusqu'à nier l'idée d'un affrontement...
Quel honteux gâchis de vie humaine !
Intermède
Après le carnage vient une période de paix, un temps de pause devrai-je dire car il y aura toujours des meneurs et des menés, la cupidité et la soif de pouvoir des uns exploitant la faiblesse des autres, l'histoire n'est qu'un éternel recommencement, comme en témoignent les nombreux récits depuis que l'homme a franchi le seuil de la préhistoire.
Il semble que, paradoxalement, le temps de paix s'écoule lentement, alors qu'il va plus vite durant la guerre. Plus notre vitesse de déplacement est élevée, plus le temps est bref.
Autrement dit, plus on s'active, plus vite passent les heures. Est-ce dû à l'agitation, à la course à l'industrie, à l'armement ?
Une chenille vorace est entrée dans la fourmilière...Affolement, rébellion, excitation...
Nous sommes comparables à des électrons fous gravitant à une vitesse irraisonnable dans l'anneau d'un cyclotron.
Donc, durant un conflit, le réel rattrape la fiction : il y a concordance...
On peut d'ailleurs se plonger dans la littérature fantastique des années trente et voir ce qu'il y a autour de nous aujourd'hui...
Conséquences
« Tout ce qui un jour fut imaginé par un homme sera un jour créé par d'autres hommes »
Jules Verne (Belle phrase, certes... Mais le prix à payer est lourd lorsqu’il s’agit d’inventions d’armes)
Les descendants des V1 rendirent possible le franchissement du mur du son : à leur bord, les premiers pilotes d'essai.
Les études sur la propulsion nécessitèrent l'invention de l'ordinateur.
Courant des années quarante, un appareil monstrueux, grand comme un immeuble, avec des kilomètres de câble et des centaines de manettes permit le calcul de la poussée nécessaire pour se libérer de l'attraction terrestre, d'où les programmes Mercury puis Apollo.
Notons que les Américains furent coiffés au poteau par les Russes qui lancèrent Spoutnik, le premier satellite artificiel.
Puis vint la fusée Vostok avec Gagarine qui, à bord d'une minuscule capsule, tournoyait à la circonférence de la planète.
Il fut le fer de lance, le porte-étendard, le facteur déclenchant de cette incroyable course spatiale.
Les militaires, pour « le secret défense » relièrent des ordinateurs distants en réseau dont le protocole de transfert de fichiers par paquets est toujours en usage. Ainsi réunis, on a pu calculer la trajectoire idéale de la capsule.
La guerre froide accoucha de satellites espions qui apportèrent la communication, la multiplication des médias, le GPS...et, comme toute médaille a son revers : Le flicage, la localisation...
Ce qui du reste prépara le monde à un conflit plus ciblée, technique et que l'on osa appeler "la guerre propre."
Au crédit de l'atome, de nombreuses applications médicales, je pense notamment à l'Imagerie par Résonance Magnétique.
Dans le domaine scientifique : Un quadrillage précis de la fission atomique dans un accélérateur de particule. Le cyclotron, immense tunnel ovoïde, a permis la mise en évidence d'infimes particules peuplant le cosmos : les neutrinos dont la masse est proche de zéro mais dont la quantité astronomique suffit à faire basculer le poids de l'univers, dévier la trajectoire des planètes...Fascinant, inouï !
La propulsion permet aux sous-marins de franchir de très longues distance.
(mais dans quel but ?)
Si la bombe H a permis l'élaboration de centrales nucléaires, l'une d'elle, de funeste mémoire, se nommait Tchernobyl; On se souvient encore de son fameux nuage, sans oublier les milliers voire les centaines de milliers de fûts radioactifs, libérant inexorablement leur substance mortelle, leur déchets toxiques au fond des océans, s'écoulant dans les nappes phréatiques et aux quatre points cardinaux de la planète.

D'aucun dirons que le nucléaire est un mal nécessaire.
Toutefois permettez-moi de rester très dubitatif et fort peu convaincu, face aux risques encourus, de la non-dangerosité de ce mode de combustion ;
Lorsque l'on nous assure que le nucléaire est propre, j'émets à fortiori d'avantage de doutes.
Qu'on le veuille ou non, nous ne mangeons plus comme nos parents.
Des maladies inconnues apparaissent, le cancer étend son ombre.
Et puis tout se dérègle, la climatologie, la sismologie, l'effet de serre, la fonte des glaces, les insectes disparaissent, notre faune et notre flore se raréfie, l'oiseau migrateur ne sait plus sur quel pied danser...
Le doute et l'inquiétude s'installent.
Durant cet instant de défis technologiques, on peut bien-sûr parler de concordance entre réel et fiction. Toutefois il semble que nous ayons atteint un stade critique, peut-être le point de non-retour ?
Alors à bien y réfléchir, la force du bien surpasse-t-elle la force du mal.. ? Pas sûr.
Mais tout ceci porte un autre nom, l'Histoire.
Pascal Coquet