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Le salon de lecture

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Annexe lounge du Café du globe Pascal Coquet Textes, fictions, desiderata...et autres billevesées


IT 24.7, le cyborg

Publié par le Moujo sur 12 Mai 2008, 15:30pm

Catégories : #Fiction

 

 Au départ il y a eu une puce mal placée. Vois-tu, je le savais mais n'osais rien dire.

Allongé sur un billard, sous ta tente à oxygène, bardé de computeurs, de contrôleurs et de divers appareils, tu ne peux m'entendre mais peut-être pourras-tu m'écouter ?

On t'a créé en 1956, après l'invention du presse-purée. Complexe pour l'époque tu étais une vraie prouesse technologique. Un réel défi pour l'avenir ! La recherche cybernétique naissante proposait les plans d'un robot industriel :   

Un mécanisme automatique à commande électronique se substituant à l'homme pour effectuer certaines tâches, en appréhendant son environnement.

Non vraiment on ne pouvait te comparer avec l'automate qui vit le jour en 1532. Mot tiré du grec « automatos » Eh oui déjà, encore et toujours eux, les grecs ! Ils définissaient ce concept ainsi : « Qui se meut de soi-même, toute machine animée par un mécanisme intérieur définissant les états et les transitions d'un processus abstrait ou concret ».

Le terme robot fut employé pour la première fois par l'écrivain tchèque K. ƒapek dans une pièce en 1924, pour désigner des ouvriers artificiels, robota signifiant « travail forcé », mais toi tu étais bien plus élaboré, au début en tout cas, un robot humain...

Au concours Lépine, un prospectus disait que tu pouvais enrichir tes connaissances en enregistrant des données entendues grâce à tes micros et vues par tes yeux, les webcams, sur tes cartes mémoire. Tes capacités et ton savoir dans tous les domaines deviendraient alors phénoménaux. En théorie, tu étais sensé accomplir toutes sortes de tâches avec une régularité déterminée, de manière automatique en quelque sorte, et ton niveau de conscience ferait de toi, avec le temps, un gai compagnon, inaltérable. Mais comme on dit quand la théorie rejoint la pratique ça ne marche pas et on ne sait pas pourquoi. Pourtant j'étais songeur... Un androïde, le plus qu'humain, une nouvelle race d'humanoïde... ?

Bien plus qu'un appareil mû par un mécanisme intérieur et imitant les mouvements d'un être vivant. Passionné de sciences et de toutes nouvelles découvertes, applications, je voulais croire en cette avance technologique. Animé de curiosité et donc fortement intéressé, je me procurais les documents et commençais l'assemblage de ta carte mère. Les problèmes vinrent alors à apparaitre car dès que cette carte, ton «cerveau», fut connectée, tu voulus prendre le contrôle des opérations et notamment choisir un atelier pour ton équipement.

Je pense que tu as été indubitablement négligeant dans le choix de cet atelier de montage, il n'était pas vraiment top : des fils, des boulons, des cartes mémoire, des bus, des nappes IDE traînaient sur le sol empoussiéré, bref ça faisait vraiment désordre, y'avait comme du laisser-aller de la part des assembleurs dans ce hangar putride.

Au départ il y a eu une erreur d'implantation : une puce mal placée. Vois-tu, je le savais mais n'osais rien dire. Je t'avais bien dit de ne faire confiance qu'à des professionnels, pas à ces arsouilles de bas étages. Oui, je sais, tout a un prix... Mais maintenant, vois le résultat ! Depuis ta conception dans ce funeste laboratoire, ton état s'est dégradé de jour en jour. De robot sophistiqué né de la recherche,  d'un long processus alliant toutes les connaissances en matière de mécanique, d'électronique, d'informatique, de cybernétique, en somme la robotique ...

Une mécanique consciente, intelligente, aux actes volontaires, délibérés, intentionnels et réfléchis, au savoir médité, colossal ! Et qu'es-tu devenu ? Voilà : Tu devins rapidement un simple automate imitant lamentablement les mouvements d'un être vivant, incapable d'utiliser ton libre arbitre (ce que tu faisais au début), tu n'agissais plus que par réflexes automatiques, tel un chien Pavlovien, de façon aléatoire et désordonnée, involontaire, mécanique, comme les gestes machinaux du somnambule.

C'est bien simple, depuis que tu ne bouges plus tes membres, on pourrait t'assimiler à un simple réveil, et encore tu ne donnes pas l'heure ! Tu ne corresponds même plus à la définition de Descartes : «Une montre ou autre automate, c'est-à-dire machine qui se meut de soi-même».

Ou bien encore La Bruyère : «Le sot est automate,  il est machine,  il est ressort». Serais-tu sot ? Une pièce de musée ? (Le musée Tussaud bien-sûr…)

Tu étais une machine, certes, mais une machine à l'aspect humain, capable de te mouvoir et d'agir, programmable et même autoprogrammée, douée grâce à ta mémoire embarquée et à tes nombreux et complexes microprocesseurs asservis d'une certaine forme d'intelligence... A l'évidence, l'androïde presque humanoïde n'est qu'un rêve, à moins qu'il ne soit cauchemar... En tout cas il n'est que fiction.

 A mes yeux, tu représentais le progrès, futuriste et prometteur, un concentré de technologies dans une enveloppe quasi-humaine. Pour finir tu es maintenant tombé dans l'inconscience. Non mais regardes-toi mon pov' Cyborg, antique, obsolète, tu n'es plus aujourd'hui qu'un pantin inconscient, une marionnette inanimée, un fantoche, t'es bon pour l'équarrissage !

Faut se faire une raison : destination le ferrailleur. Contrairement à Duhamel qui a dit : «L'homme, serviteur de l'automate, deviendra lui-même un automate, un robot»,  je pense que décidemment l'humain a encore un long avenir devant lui et c'est tant mieux.

 

Pascal Coquet

 12/05/08

 

 

 

 

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