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Le salon de lecture

Le salon de lecture

Annexe lounge du Café du globe Pascal Coquet Textes, fictions, desiderata...et autres billevesées


EASY READER

Publié par le Moujo sur 16 Avril 1982, 19:17pm

Déambulons en guise de préambule...

Dans les années 80, j’avais une petite bécane, un 80 centimètres cube, le Dax pour ne pas le nommer. Ce que j’ai pu faire comme aventures avec cet engin ! Voici une anecdote vécue durant les vacances de Pâques de l’an de grâce 1982 :

De Paris, je décidai de descendre voir les volcans d’Auvergne, alors, ipso facto, ce qui fut dit fut fait.

Pour ce voyage, rien n’est laissé au hasard : Que mon équipage a fière allure !
Sans mentir si son ramage se rapporte à son plumage, il est le Phoenix du macadam, muni de tous mes bagages, sac à dos, bidon, camping gaz, deux gros clignotants chromés avec leur visière, façon Harley-Davidson et surtout un énorme antibrouillard avec sa casquette chromée au-dessus du phare !

C’est bien simple, quand j’allumais ce dernier, ma vitesse chutait de 15Km/h !

 

J'ai ainsi parcouru en solitaire le circuit des volcans et ailleurs en Auvergne dans les années 70, c'était absolument grandiose et j'en garde un souvenir inaltérable. Un trajet Paris-Nevers-Riom es montagne de deux jours (!). Le soir venu je m’arrêtais dans des campings ou bien en sauvage. J'y ai fait des rencontres très intéressantes, des motards, des touristes de tous horizons mais aussi des gens du cru qui croyaient voir débarquer un cosmonaute.

C’est donc après splendide ballade parmi tous les volcans éteints, je remontais vers St Malo dans le but de prendre un repos bien mérité à Jersey.

Sur la route du retour, je roulais de concert avec un Hollandais volant vers St Malo qui roulait sur une vieille Bonneville hors d'âge autant que poussive.

 

En plus, en beaucoup plus de temps qu’il ne faut pour l’écrire, me voici arrivé à l’embarcadère.

St Malo, sa mouette, son cormoran, ses remparts, l’intra-muros, c’est extra !

 

Là, je fais la rencontre d’un autre motard, un vrai, un hollandais lui-aussi, caché sous sa combinaison de cuir noir qu’une légendaire Triumph Speed Twin, un roadster des années 40, daigne bien trimbaler. Il m’aide à attacher ma bécane dans la soute du ferry et j’en fais de même avec sa pièce de collection.

Je crois qu’il n’en revient pas que je sois venu avec une aussi petite bécane, les bagages, le jerrican d’essence, le bidon d’huile et l’énorme antibrouillard.

L’expédition, quoi.

Ce n’est certes pas le Paris-Dakar, mais toutes proportions gardées, ça y ressemble. Alors quand je lui ai dit que je venais d’Auvergne, il est carrément tombé par terre.

 

Puis le bateau appareille. Le ferry présente cet avantage là : il donne l’impression aux infortunés de faire une croisière, du moins pour ceux qui ont la fortune de le prendre. En tout cas on s’y trouve bien, surtout quand on aime la mer...

Déjà, de St Malo on n’aperçoit guère plus que l’illumination des remparts, le Fogg londonien ayant eu raison de la vieille cité de Surcouf. (Juste retour des choses, la météo serait-elle ironique ?)

 

Jersey, tout le monde descend. L’ambiance du port, c’est chouette. Le casque sur la tête, les mains sur le guidon, l’air contemplatif et rêveur, j’écoute, je hume l’instant présent avec délectation.

Osmose. Le cri du cormoran au couchant. Le cliquetis des girouettes. La plainte des ralingues et des drisses prisonnières du mât des voiliers...

 

Derrière moi les collines, la quiétude nonchalante du mouton à tête noire, le calme...

 

C’est sur un parking, le soir, à St Hélier, que s’établit un dialogue de sourds, né de la totale incompréhension des deux interlocuteurs.

Un Anglais, dû moins supposé tel, chapeau melon, imperméable gris, parapluie et chaussures noires, s’approche vers moi.

" what... ?" "... (Mimique faciale, hauss’ment des épaules ; comprends pas).
" And about the ... ?" " I’m French, I don’t understand."
Imperturbable, comme s’il n’avait pas entendu, il continue.
" But you... Every time.. ?" " I don’t understand."
" Yes, but..."

Bref, ce petit dialogue, ô combien fertile et enrichissant je ne le nie pas, a peut-être duré un quart d’heure. C’est long 15 minutes quand on ne comprend rien, on attend que ca se passe ...

Enfin, pour conclure son monologue, (Il était sûrement fatigué de parler dans le vide), il reprend :

"Machine?" "Yes, machine."
"Good?" "Good."
"Bye!" " Bye."

Et il disparaît dans le fogg qui envahit Jersey.

Je ne m’en étais pas aperçu au cours, au long cours, de cette forte intéressante discussion, mais le temps s’est quelque peu assombri dans le port de St.Hélier.

Les voiliers ont allumé leurs feux de pont, c’est l’heure pour moi de chercher un hôtel...

 

Tourism’office, d’après ce que j’ai constaté, n’est pas synonyme de Office de tourisme. En effet dans ce bureau on obtient tous les renseignements et réservations que l’on désire.

Je doute fort que le touriste londonien recueille péremptoirement l’identique dans un même bureau à Ploumanach La Vineuse. (Si tenté qu’il y en ait un).

Or donc, je rempli ma fiche d’hôtel : Casa Marina, sur les hauteurs de St Clement’s bay, face à la mer, sur la trace des pêcheurs d’Island.

 

Un établissement de 2nd catégorie, attention à ma bourse ! J’enfourche ma bécane et je fonce vers l’hôtel désigné, difficilement d’ailleurs car la ville est bourrée de non-sens, de contre-sens et de sens uniques.

 

Incroyable organisation de l’Anglais ! Le charme désuet autant que suranné de la perfide Albion aurait-il du bon ? 

Il a suffit que je prononce mon nom à la charmante réceptionniste pour qu’elle ouvre la porte de mon sésame... enfin de ma chambre. Une petite pièce mansardée, the little French roof, bien évidemment sous les toits, une armoire imitation Regency en formica, le paddock ad hoc et tout le confort sur le palier.

 

En fait, en ce moment j’ai faim. Les voyages maritimes, ça creuse, c’est bien connu. Il est bien sûr trop tard pour manger ici, je me dirige donc à l’extérieur où je suis attiré tout d’abord par des éclats de voix puis mes pas me conduisent vers un restaurant à l’accorte et néanmoins lumineuse enseigne :

J’entre. Personne. Un self. Des plateaux, des couverts, du pain rassis et quelques tartes réfugiées derrière une vitre.

Il serait raisonnable d’envisager la fuite, d’esquisser un mouvement de retraite habile et certainement salutaire, mais au moment même de passer à l’action, attiré mon œil le fut par une jeune soubrette dissimulée derrière les pâtisseries.

Plus question de partir ! Que nenni !

 

Je prends donc mon plateau avec une tarte (je suis sûr de manger au moins ça) et je fais comprendre à la damoiselle que j’aimerais “to eat something”. Aussitôt elle disparaît dans un frou-frou dissonant, donnant ainsi l’impression d’une furtive envolée de tourterelles, dont la grâce et la légèreté n’ont d’égales que l’ostensible clair-obscur d’un couché de lune à Maubeuge. Dix minutes plus tard, elle revient avec un plat et un large sourire.

 

Une tranche de poisson non identifié nageait nonchalamment en compagnie de pommes de terre bouillies, dans de l’eau et de la sauce mentholée, façon Teraxyl, action 2 en 1. C’était, n’ayons pas peur de le dire, absolument dégueulasse et si j’ai pu finir c’est parce que j’avais vraiment très faim et que la servante, certes accorte, avait les yeux rivés sur son seul et unique client, lequel du reste mettait un point d’honneur à lui adresser un sourire en avalant chaque bouchée, malgré les arêtes aliènes et les effluves mentholés de la sauce Teraxyl.

 

« Au début, je crus que ça en était, mais après je regrettai que ca n’en fut pas. »

 

Pascal Coquet

 

 

Messages

25 octobre 2005, par Patrick Lecordier :

Ah le charme de l’Angleterre passée et de ses "fish’n chips" ruisselant d’huile qui peu à peu imprègne le journal dans lequel ce vénérable plat est enveloppé... Moi je trouve que ça vaut le saucisse-frites à la française ...

 

Réponse, le 18 février 2006, par Pascal Coquet

Qualifier les traditionnelles Fish’n chips de vénérable plat me semble quelque peu exagéré. Isn’t it ?

Toutefois le charme désuet de la perfide Albion ne lasse pas de me séduire ...

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