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Le salon de lecture

Le salon de lecture

Annexe lounge du Café du globe Pascal Coquet Textes, fictions, desiderata...et autres billevesées


La saga du miroir

Publié par le Moujo sur 23 Janvier 2002, 20:03pm

Catégories : #Fiction

 

"De toutes les matières à réflexion, le miroir me semble le plus adéquat car il offre à mes yeux plusieurs traits de caractère forts singuliers."

 Professeur Badkopf

1-DE L’IRRATIONNEL ET DE L’IMPRODUCTIF

"La plupart des découvertes sont faites par erreur" Loi de Murphy

S’il est vrai que l’homo sapiens est doté d’un cerveau imaginatif, il ne faut cependant pas négliger le rôle souvent déterminant du hasard et de l’aléatoire, en passant par les circonstances improbables, par la billevesée et par la Lorraine ... avec mes sabots (Dondaine).

Mais laissons se dérouler l’histoire, car ne dit-on pas qu’un dessein vaut mieux qu’un long discours ?

Sur une route sans fin, alors qu’ils cherchaient un raccourci que jamais ils ne trouvèrent, des déménageurs périgourdins, fatigués, s’approchent d’une auberge à l’accorte enseigne. Nos deux hommes ont faim.

Soucieux de satisfaire aux instances syndicales, ce qui concevoir se peut aisément, ils décrètent la pause-déjeuné.

Pénétrants dans l’échoppe, l’odeur d’un bon cassoulet du Gers à la graisse d’oie aiguise les sens de nos compères, éveille l’odorat et fait saliver la babine.

Malheureusement leurs bourses sont vides. Qu’importe, à cette épique époque on pratiquait couramment le troc : La tavernière accepte de servir nos deux compagnons en échange d’un miroir. Ils courent vers leur charrette et déposent avec moult précaution et de manière fortuite, un miroir sans teint en regard d’un puits sans fond...

Et là... Oh miracle ! Le regard plonge dans ce puits obscur, son reflet sans cesse renvoyé par ledit miroir...

C’est l’invention du négativoscope, le nihilisme vu dans sa totale nudité, au travers d’une lentille aveugle et sans fard.

Si l’on regarde bien, on y voit le vide. (Ça fait peur, non ?)

http://www.cafeduglobe.net/textes/interactif/IMG/jpg/identite.jpg

"Je remarquai qu’un patient retrouvait parfois le reflet de son identité au fond d’un miroir" Pr. Badkopf “Amnésia”

2- SCIENTIFIQUEMENT PROUVÉ

La science ne saurait être ce qu’elle est si elle n’était régie par des lois. Sans expériences réalisées dans un cadre stricte et rigoureux, nous serions toujours empêtrés dans les limbes, de bien piètres errants dans le monde de l’obscurantisme, de l’improbable et de l’aléatoire.

Fort de ce principe, en voici une passionnante - quoique peut-être jugée futile aux yeux de l’intelligentzia, ce milieu "autorisé à penser" :

Donc, comme je l’ai déjà dit, de toutes les matières à réflexion, le miroir me semble être un bon sujet d’études car il offre à mes yeux plusieurs traits de caractère forts singuliers.

Or donc, livrons-nous sans plus tarder à une simple et néanmoins parlante expérience :

Plaçons un être humain devant cette surface. Que constatons-nous ?
  1 Le cobaye se place volontairement devant ladite surface.
  2 Il se gratte la tête, semble s’interroger, peut-être pense t-il à son ego, à sa place dans la société, à ce qu’il va faire dans la journée... Bref, telle la pensée cartésienne de Pascal, Descartes ou Rousseau, "Il pense, donc il est".

Renouvelons l’expérience mais, cette fois-ci, avec une plante. Que constatons-nous ?
  1 Le cobaye ne se place pas volontairement devant la dite surface. Transportons donc le pot à l’endroit adéquat. Que constatons-nous ?

http://www.cafeduglobe.net/textes/interactif/IMG/gif/miroir-plante.gif  2 Il n’y a aucune réaction de la plante, ni de la tige, des feuilles, du pistil et pas plus de réaction de la part des étamines. Cette plante placée devant ce miroir est l’incarnation même du je-m’en-foutisme absolu, elle reste de glace, une banquise...

Jetons maintenant un œil distrait du coté du miroir ; On y voit la plante. On dit que la surface réfléchit.

Pour conclure et en regard de cette expérience des plus avant-gardiste, nous pouvons affirmer qu’un être doué de pensée réfléchit devant un miroir, alors qu’à l’inverse un être non pensant est "réfléchi" par ledit miroir.

Approfondissons les choses.

Pourquoi le miroir réfléchit-il ? (Hein, oui, pourquoi ?)

 

 

Nous pouvons supposer qu’étant face à un objet démuni d’état d’âme, ou du moins ne manifestant aucune forme d’interrogation laissant suggérer de sa part une quelconque activité sub-cervicale, le miroir éprouve un sentiment d’empathie.

L’homme pense, la plante reste à l’état végétatif tandis que le miroir, lui, réfléchit.

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

 

3- CONSTAT D’ECHEC

En fait, il existe une question que la science, avec tous les moyens dont elle dispose, à l’heure où l’homme peut explorer toutes les richesses de l’univers, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, voire même dans le néant : Je pense à ces pauvres neutrinos qui peuplent le cosmos par milliards et que certains savants irrespectueux piègent dans de sordides souterrains... Enfin bref, ceci est un autre débat.

Une question, donc, qui n’est toujours pas résolue et qui reste, subséquemment à cet état de fait, sans réponse :

En effet revenons insidieusement et avec perfidie à notre fameux miroir :

  Notre 1er cobaye était un homme. Nous avons vu qu’il pensait. Bien.
  Notre 2nd cobaye était une plante. Nous avons constaté, à l’inverse, que le miroir réfléchissait. Bien.

Nous sommes venus, nous avons vu mais, hélas, trois fois hélas, mea maxima culpa, nous n’avons pas vaincu.

Au sujet de l’expérience de l’homme (qui pense) et de la plante (cas où le miroir réfléchit), je me suis dit qu’il me fallait une étape intermédiaire, quelque chose comme le chainon manquant.

Or il se trouve qu’un jour je me suis métamorphosé en lémurien. Ce n’était pas une simple apparence, un masque, non, c’était ma nature, une transmutation si l’on veut.

Je me place donc volontairement devant la glace. Surpris j’y vois mon image, l’image d’un lémurien. Avec mes longues pattes j’essaye désespérément d’attraper ce congénère.

Hélas, force est de constaté que mon cerveau de primate ne permet pas la compréhension de cette curieuse expérience.

P.S : Mon mentor, ami et confrère le professeur Boris Kazatchov m’a rendu mon apparence mais je dois dire humblement qu’avoir vécu dans la peau d’un lémurien m’a laissé quelques séquelles.

Me voici de nouveau opérationnel, disposons maintenant dans notre laboratoire de hautes recherches expérimentales, un miroir sans teint.

Plaçons une jeune et jolie femme (tant qu’à faire) devant cette surface. Notons que pour le but de cette expérience, la jeune personne est outrageusement maquillée, fardée, ses longs cils dégoulinants de Rimmel.

Que va t-il se produire ?

Comment réagira une glace sans teint face à un maquillage outrecuidant ? Le miroir tournera-t-il sept fois sa langue avant de parler ? Eprouvera-t-il un sentiment de jalousie ? Le cobaye se voilera-t-il la face ? Brisera-t-il la glace ?

Il y tant de questions en suspens, la tâche est rude... Courage, retroussons nos manches... !

4- LE MIROIR DE GLACE

Récemment autant que fortuitement, je regarde dans le miroir et, surpris, je vois un mec qui me ressemble trait pour trait. Je vous jure que ça refroidit.

Un type dans ma salle de bain, alors on est plus chez soi ? Non mais sans blague, et mon intimité ?, qu’est-ce qu’on en fait de mon intimité ? Y’en a qui doute de rien, manque pas de culot çui-là.

Quoi qu’il en soit, ne perdant pas de vue une approche scientifique, je tente donc de communiquer avec lui :
  " Ah ! T’es enrhumé toi aussi ? Tiens, prends un mouchoir..."
  " Ben vas-z-y, prends-le, tu pourrais au moins répondre quand je te parle !"

Mais le miroir reste de marbre, finalement même s’il réfléchit il n’en reste pas moins de glace, il est muet.

Alors on a convenu d’un code tous les deux : s’il est d’accord ou non avec moi, il hoche la tête dans un sens ou l’autre.

  " Bon, on fait un essai, ça marche ?" La tête a oscillé de haut en bas... OK, on va pouvoir discuter.

  " Ca fait longtemps que tu squattes chez moi ?" Oui. (Pour des raisons évidentes de compréhension, je traduis les inclinaisons de tête par oui ou par non).
  " Mais le soir tu rentres chez tes parents ?" Non.
  " Si mon éthique ne me l’interdisait pas j’aurai bien envie d’appeler la maréchaussée..."

Mais il reste froid à mon avertissement, il est vrai que sous la glace il ne doit pas faire très chaud !
  " Pousses-toi, faut que je prenne un comprimé, j’ai un d’ces mal de crâne..."

J’ouvre la porte du placard, il apparaît aussi derrière. Je referme rapidement, il est coté face. Je ré-ouvre il est coté pile.

Aurait-il le don d’ubiquité ?

Puis je me mets à faire des grimaces devant la glace ; (Ca me prend souvent).

Le quidam qui me fait face répète à l’identique les mêmes contorsions simiesques. Il me singeait tel le cynocéphale apprivoisé du cirque Zapatos. (Représentation à 16h sur le terrain de foot du village, avec la participation exceptionnelle de Roger Caznal soi-même, en costume de groom).

Finalement, il s’arrête et me fixe du regard : Ses yeux scrutant mes tempes argentées, ma barbe poivre et sel agrémentée de quelques reliefs du repas de ce soir, mon front bas découvrant les rides accusatrices des outrages du temps...

Soudain je compris : c’est aujourd’hui mon anniversaire et mon fac-similé tente de me délivrer un message. Le miroir communique : Il me rappelle que j’ai pris un an de plus ! Merci, j’en avais besoin...

Je baisse la tête et mon hôte disparaît.

5- L’HYPOTHESE

http://www.cafeduglobe.net/textes/interactif/IMG/jpg/miroir-strange.jpg

Soudain j’eu un doute, une vision m’apparut : et si l’image de mon reflet était la réalité, une personne vivant dans le vrai monde.. ?

Alors ce serait moi le reflet, l’intrus ?

Pourtant la nature qui m’environne, les insectes, les mammifères, les cours d’eau, le ciel... Tout cela semble si réel ! Ce pourrait-il que ce ne soit qu’une photocopie en trois dimensions du monde du miroir ?

Voici ce qui a provoqué en moi ce doute, cettte hypothèse : Aux frontières du réel...

Quelle est la taille de votre visage lorsque vous vous regardez dans le miroir ? Taille réelle ? Vous en êtes sûr ? Et lorsque vous vous éloignez de ce miroir, cette taille diminue-t-elle ? A votre avis ?

J’en fais l’expérience dans mon laboratoire hautement sophistiqué et je vous propose de faire cette expérience dans votre salle de bain, c’est stupéfiant !

  1 Avec un décamètre, je mesure la hauteur de mon crâne (tâche ardue, elle fait 22 centimètres, oui je sais je n’avais pas besoin d’un décamètre, j’ai une petite tête).

  2 Je me regarde dans le miroir de mon labo, en plaquant le décamètre sur le reflet de ma tronche pour la mesurer. En s’appliquant bien, on constate que le reflet ne mesure que la moitié de la taille réelle (11 centimètres). Et ceci quelque soit la distance au miroir (la position du reflet change mais pas sa taille). Comment se fait-ce ?

Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut imaginer que vous êtes face à votre jumeau, de l’autre côté d’un mur dans lequel se trouve une ouverture modulaire.

Question : Quelle est la taille minimale de l’ouverture permettant de voir ce jumeau en entier des pieds à la tête ?

Si votre jumeau (ou jumelle) se trouve très près de cette ouverture, il faut que ladite ouverture soit pratiquement de sa taille.

A l’inverse, si l’ouverture se trouve très près de vous, un trou de serrure suffira pour voir votre double en entier.

Et si l’ouverture se trouve exactement entre vous deux, il faudra qu’elle soit de la moitié de la taille de votre jumeau.

En somme, un miroir n’est jamais qu’une espèce "d’ouverture" placée exactement entre vous et votre reflet.

(D’où l’idée de "monde parallèle", un monde peuplé de Lilliputiens plus précisément.)

En effet la taille qu’y occupe votre reflet est la moitié de votre taille réelle, et ceci quelque soit la distance à laquelle vous vous trouvez du miroir. Et oui !

Autrement dit, vous voyez votre frimousse dans le miroir deux fois moins grande que sa taille réelle et cette taille ne change pas si vous vous approchez ou si vous vous reculez du miroir !

Nonobstant cet état de fait et en revanche, la taille du reflet de quelqu’un d’autre s’approchant (ou s’éloignant) du miroir augmente (ou diminue).

On peut donc se définir grâce à l’invariance de la taille de son reflet dans un miroir : cette image dans le miroir est la mienne parce qu’elle ne change jamais de taille...

Tremblez braves gens, on est bien loin de tout savoir... Et d’ailleurs le saura-t-on un jour ?

Pascal Coquet alias Pr. Badkopf, an 2002, revisité en 2009

 

 

 

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