Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le salon de lecture

Le salon de lecture

Annexe lounge du Café du globe Pascal Coquet Textes, fictions, desiderata...et autres billevesées


Le manoir d’Adélaïde Courtaboeuf

Publié par le Moujo sur 1 Avril 2007, 17:13pm

Catégories : #Fiction

Des mêmes auteursDans la même rubriqIl existe des lieux ou règne une forte atmosphère, ils sont comme "habités". Ces lieux sont une irrésistible invitation à la découverte d’un temps jadis. Il suffit pour cela de s’éloigner des sentiers battus et d’un brin de curiosité...

Marcel Courson parcourt la campagne au volant de sa DS aux alentours de Trilopin, petit bourg du pays de Caux.

Au bout d’un sentier, derrière un mur d’enceinte à moitié écroulé, envahi par les ronces, enfoui sous la végétation qui a repris ses droits, un vieux manoir, imposant, sort des broussailles.

Marcel retourne à sa DS, en revient avec une canne en merisier et un couteau parapluie. Il escalade sans peine le mur délabré. Laborieusement, il arrive à se frayer un chemin, se servant de son couteau comme d’une machette.

Hérissé de quatre tourelles, équipé d’échauguettes et de mâchicoulis, ce manoir est en fait un curieux croisement entre un château-fort et une riche demeure toute en meulière. Un plan architectural oscillant entre Vauban et Mansart. Fallait oser !

On y accède par un pont-levis car le bastion est cerné par d’étroites mais profondes douves où dort une eau saumâtre emplie de vertes lentilles, paradis pullulesque des grenouilles, dytiques et autres notonectes.

La porte est solidement verrouillée. Les quatre coins de la bâtisse sont ornés de gueules impressionnantes aux mâchoires terrifiantes : loup, sanglier, ours, lynx.

En angle et de construction plus récente, on a rajouté une marquise avec une lourde porte d’entrée munie d’un heurtoir et d’un portier ajouré autant que grillagé. D’ailleurs toutes les fenêtres de l’édifice sont protégées par des barres de fer forgé. Sur les hauteurs, des créneaux de pierre d’où de sombres oiseaux s’envolent en coassant dans un vol désordonné, leurs battements d’ailes irréguliers renforcent, si besoin est, l’atmosphère lugubre de ce lieu.

Un cri horrible, un feulement strident, déchire l’horizon sonore.

Crissement des ailes : flop, flop... Un rapace de belle envergure et de couleur brun foncé prend son envol avec un morceau de viande dans le bec : une charogne de ce qui a dû être un chat.

Tourelles, têtes de loup, gargouilles dans des niches, meurtrières, grilles aux fenêtres noires... Austère... Les vitres, du moins celles qui sont intactes, sont en fait d’épais vitraux : des petits carreaux biseautés, soudés à l’étain, constituent des enluminures grossièrement ouvragées. Elles représentent des scènes de bataille, des soldats en armure.

Marcel décide d’aller fureter aux alentours. Débroussaillant les fourrés avec sa canne, il découvre plusieurs statues d’un réalisme redoutable, en pierre, en pied et grandeur nature. Ce sont divers animaux, ceux dont la gueule figure sur les murs du manoir : loup, sanglier, ours, lynx...

Décidément, l’endroit n’est guère accueillant.

Un peu plus loin, il entend un son, un timide clapotis. Marcel y dirige ses pas et arrive près d’un cours d’eau qui a creusé son lit parmi les hautes herbes.

Il longe cette petite rivière jusqu’à découvrir un vieux moulin abandonné ; la roue n’est plus en état, quant à la construction on peut dire qu’elle n’est plus que ruine. Sur une pierre portante on peut lire cette inscription : Moulin de la Fauvelle. L’eau chuinte tristement sur ce qui reste de la roue à aube.

A l’orée d’un petit bois, envahie par la végétation, gît une pierre tombale. Après avoir nettoyé sommairement la stèle moussue, il peut y lire cette épitaphe : « Toi qui passe sans même une pensée, aies un peu de compassion envers moi car un jour tu subiras le même sort » Adélaïde Courtaboeuf 1864-1911

" hum..."

Revenant sur ses pas, il découvre deux magnifiques statues en marbre : Aphrodite, déesse grecque de l’amour, et Vénus, son équivalente romaine. Curieux contraste entre la beauté de ces « vestales » et la laideur monstrueuse des statues animales.

Une éclaircie dans ce lieu lugubre, le yin et le yang, l’ombre et la lumière...

Il ne le sait pas encore, mais ce lieu sera le point de départ d’un curieux destin...

Pascal Coquet

 Avril 2007

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents